Forêt fossile de Quintefeuille à Asnelles (14)
Guide : Mr Bernard Langlais (de l’association Tourbière 14)
Samedi 6 Novembre 2021
Rendez-vous à 14h45 sur le parking de la Provence à Ver-sur-mer pour une descente sur l’estran en suivant le jusant – Le retour se fera avant la marée basse à 18h.
« A marée basse sur la plage d’Asnelles, apparaissent puis disparaissent au gré des tempêtes d’hiver des bancs de tourbe, roche tendre et légère, qui renferme notamment des troncs et des souches d’arbres, témoins d’une ancienne forêt engloutie par la mer. Cette forêt appelée « La Forêt de Quintefeuille », qui s’étendait d’Arromanches à Luc-sur-mer, s’est développée entre moins 9000 et moins 5000 ans puis a été submergée il y a moins 5000 à moins 4000 ans.
Les tourbes, sables et argiles de la plage d’Asnelles ont fait l’objet de nombreuses études depuis le milieu du XIXe siècle. Y ont été trouvés des restes de chênes, de hêtres, de pins ou de bouleaux, des noisetiers et leurs noisettes, des noyaux de cerises, de nombreux restes d’animaux (bisons, aurochs, chevaux, loups, renards, cerfs, sangliers…), des coquilles de mollusques, gastéropodes, bivalves, ainsi que des
traces du passage des hommes (ossements, habitats, outils…) depuis des silex du Néolithique jusqu’à des céramiques de la période gallo-romaine. »
(Extrait du PDF de l’association Tourbière 14 http://www.asnelles.fr/wp-content/uploads/2016/03/3.1.Foret-de-quintefeuille.pdf
Etaient présents :
Gabrielle, Hubert, Odile, La Dom, Marie Jo, Karin, Lucien, Agnès, Hélène, Rémi, Andrée, Dominique D, et quelques personnes hors association.
Guide : Bernard Langlais
Au rendez-vous Bernard nous accueille chaleureusement et aussitôt nous parle de l’estran qui est entrain de se découvrir avec la marée, mais il commence par remonter le temps pour écrire son histoire :
A la glaciation de Würm (115 000 à 11 700 ans avant le présent), le niveau général des mers était environ 120 m en dessous du niveau actuel, si bien que devant nous, à Ver sur Mer, s’étendait une immense vallée qui allait de la France à l’Angleterre, la Manche était un gros fleuve recevant les eaux de la calotte glaciaire, des autres fleuves comme la Seine, Rhin, Tamise, etc. Entre moins 9000 et moins 5000 ans, des animaux y vivaient comme le renne, le mammouth, le rhinocéros laineux, l’auroch (bovidé), mégacéros (grand cervidé), saïga (antilope), chevaux sauvages, bisons, etc. les paysages étaient comparables aux toundras ou steppes actuelles.
Entre 9200 et 8000 avant notre ère, le climat actuel s’installe progressivement. Les forêts de feuillus et les prairies remplacent la steppe. Alors sur place, Homo sapiens trouve dans les fruits du noisetier et du chêne de quoi assurer la survie alimentaire. Aidé d’une redoutable arme, l’arc, il chasse également cerfs, chevreuils et sangliers en concurrence avec les ours, les loups ou les lynx de
la région.
La montée des eaux dans la vallée de la Manche se fait petit à petit suite au réchauffement climatique, qui fait fondre la calotte glaciaire, ainsi il est admis que l’Angleterre est devenue pratiquement une ile à partir de 6500 ans avant JC. Ultérieurement, les terres encore émergées ont été touchées par un tsunami provoqué par un glissement de terrain. La forêt de Quintefeuille s’est trouvée engloutie sous les eaux. Les plantes et animaux ont disparu et se sont fossilisés.
Les lieux de vie d’anciennes colonies humaines de chasseurs-cueilleurs sont attestés par d’anciens foyers et de dallage en pierres. Les traces de ce passé se découvrent à chaque marée.
Sitôt sur place on remarque au loin quelques oiseaux marins comme le grand cormoran, l’aigrette garzette, le bécasseau sanderling, les mouettes et goélands.
Il faut regarder attentivement sous ses pieds, et notre guide nous fait remarquer une roche blanche affleurant le sable c’est la couche du stratotype bathonien (calcaire oolithique du Jurassique). Remarquez les jolies couleurs des bottes ci-dessus, les Curieux n’ont qu’à bien se tenir.
Un peu plus loin les racines d’un gros chêne d’environ 1 m de diamètre, splendide !
Puis la chasse aux fossiles est donnée, à chacun de trouver la « perle rare » !
Voici deux escargots des bois millénaires semblables aux nôtres actuellement (famille des Helicidae)…
Piqué par Bernard, le reste de la tourbière côtière sur son substrat du calcaire bathonien. L’épaisseur de cette tourbe, grande réserve d’eau douce, a été estimée parfois jusqu’à 12 m de hauteur, cela semble impressionnant. Toutes ces traces se remarquent de Port-en-Bessin jusqu’à la baie de Seine.
Une coquille d’huitre fossile…pied de cheval actuel…
Le sol est jonché des restes denses des arbustes et buissons préhistoriques, un certain tableau artistique…On trouve aussi des piquets d’étalière en bois à ne pas confondre avec la préhistoire, d’époque récente, ils servaient à maintenir des filets tendus pour la pêche locale côtière au 20ème siècle.
Enfin des traces humaines, ces éclats de silex nous indiquent que l’homme préhistorique taillait ici les rognons de silex pour en faire des outils (haches polies, racloirs, grattoirs) ou des armes (pointes de flèche).
On trouve aussi parfois des déchets de nourriture (os) nous indique notre animateur mais nous n’en avons pas hélas trouvé…
Ces recherches ne sont pas faciles, mais notre guide a l’œil…et le bon !
Voilà un magnifique nucléus : un nucléus (bloc de pierre débité pour produire des éclats ou des lames, définition sur le net)
D’autres traces humaines plus récentes : celles de l’exploitation de la tourbe pour se chauffer (carré de prélèvement ci-dessus).
Pour plus d’information un petit ouvrage est conseillé.
Signalons aussi une intéressante, et récente publication du Muséum d’Histoire Naturelle, dans la revue Naturae
(de 2020) : Nouvelle étude paléoenvironnementale de la Forêt de Quintefeuille
d’après les cortèges malacologiques holocènes : du passé à l’actuel. Un travail de Quentin WACKENHEIM, et Al. Cette étude met notamment en avant le caractère plutôt
progressif de la transgression marine, et ses conséquences sur la diversité de la faune et de la flore répertoriés in situ. En voici le lien Internet : https://sciencepress.mnhn.fr/sites/default/files/articles/hd/naturae2020a7pdfa_0.pdf
Mais il est plus de 18 heures et avec l’heure d’hiver le soleil se couche déjà, les découvreurs remontent sur la berge et sont gentiment invités par notre conseiller à voir les trouvailles de plusieurs décennies de fouilles archéologiques en son atelier.
Hélas, nous n’avons pas vu, dans l’atelier, des pièces d’époque, mais des reproductions faites par Bernard Langlais, avec les matériaux et les outils probablement utilisés à l’époque.
Cependant exceptionnellement, à cette sortie, une entorse grave à notre habitude a été faite : nous avons bu les paroles de notre guide, si bien que nous n’avons même pas pensé au goûter !!!!
Merci bien aux organisateurs de notre association et surtout à notre pilote compétent agréable et plein d’humour qui nous a fait découvrir les vestiges de cette fameuse forêt de Quintefeuille